#PortraitDeStartuper #36 – CrowdSec – Philippe Humeau @Crowd_Security @philippe_humeau cc @BreegaVC #Startup #FrenchTech
#PortraitDeStartuper #36 – CrowdSec – Philippe Humeau
Ce portrait est réalisé en partenariat avec Breega Capital qui est un fond basé à Paris, qui opère en Europe (principalement en France). « They wanted to “Bridge the Equity and Experience Gap» c’est comme cela qu’ils ont appelé leur fond Breega. Leur approche consiste à trouver des fondateurs qui, selon eux, ont de la passion et du potentiel, puis à leur fournir un soutien tangible pour accélérer leur réussite. Un grand merci à Olivier Willi et Ben Marrel pour leur aide dans le relais du projet auprès de leurs startups.
Comment décririez-vous votre entreprise ?
CrowdSec édite un logiciel Open source, qui sert à défendre les serveurs et services exposés sur Internet.
C’est un peu un Waze des firewall ou un firewall massivement multiplayer. Il détecte et bloque les attaques localement mais partage les IP qui ont mené ces agressions à tous les utilisateurs pour qu’ils puissent s’en protéger également, avant même qu’elles arrivent sur leurs machines. C’est un logiciel qui utilise localement le comportement et globalement génère une réputation pour chaque IP, afin de mieux défendre chacun des membres du réseau.
Pourquoi ce choix de produit / service ?
C’est le fruit d’une longue réflexion et d’étude de marché, d’une connaissance approfondie du secteur de la cybersécurité.
Voici les principaux ingrédients de la recette :
Open source : pour être transparent, crédible, auditable, que chacun puisse modifier le logiciel et faciliter l’adoption.
Gratuit : pour être utilisé par le plus grand nombre
Saas : car scaler des humains est complexe, des commerciaux encore plus. La communication et le marketing suffisent pour faire un service à des millions de personnes quand il est distribué en SaaS (low touch). On ne monétise pas vis à vis de la communauté mais vis à vis de ceux qui ne partagent pas et veulent juste le résultat.
Cyber sécurité : car c’est mon milieu, ma passion (bien avant que ce soit à la mode) et que ce secteur explose en ce moment.
Comportemental : car on trouve les traces de tellement de choses dans les logs et que cette mine d’information est sous exploitée, d’autant que tout génère des logs de nos jours, votre montre, un avion, le micro-onde, les serveurs, les caméras, les téléphones, etc.
Quelles sont vos ambitions, vos objectifs pour votre entreprise ?
Tout startuper se rêve en licorne mais à 46 ans, on planifie plus qu’à 25. L’expérience permet de se fixer des objectifs réalistes dans des délais plus soignés. CrowdSec peut devenir une licorne. Le marché, sa maturité, le modèle unique, le nombre de machines utilisant un système similaire (mais plus simple et un peu dépassé), les acheteurs potentiels de la donnée que nous générons, tout me mène à penser que l’entreprise vaudra plusieurs centaines de millions dans 5 ans.
Comment vous décririez-vous en tant qu’entrepreneur ?
J’aime bien accompagner les talents vers un but qu’ils croient plus grand qu’eux alors que ce sont justement ces personnes qui le rendent possible. Je suis souvent décrit comme créatif, planificateur, innovant, preneur de risque, porte étendard et plus concentré sur le but et la solution que comment la mettre en œuvre sous toutes ses coutures. J’aime concevoir et faire décoller les fusées plus que les administrer dans le long terme, je préfère la stratégie à la tactique disons. Je ne suis pas réellement fasciné par le management en soit mais beaucoup plus par les personnes, leurs synergies, les modèles économiques, les nouveaux concepts, les loopholes, les petits trous dans le système.
Quelle est votre formation initiale ?
EPITA, ingénieur Système, réseau & sécurité, promo 1999.
Qu’est-ce qui vous passionne ?
Les drones, les construire et les piloter en FPV. Les jeux, de toutes sortes mais principalement vidéo. Je viens de me mettre à la VR et c’est enfin prêt, mature, c’est une vraie claque. J’ai aussi été cavalier et je pense remonter à cheval bientôt. Je fais beaucoup de DIY de toute sorte, impression 3D, électronique, c’est une vraie passion et ça redonne vie à des objets que l’on aurait jetés sinon et que l’on peut produire pour moins cher, souvent, ou à tout le moins sur-mesure.
Quel a été votre parcours d’entrepreneur ?
A partir de 16 ans, j’avais acquis la certitude que je souhaitais être entrepreneur. J’ai fini mes études et l’EPITA donnait pas mal de liberté aux wannabe entrepreneurs pour que l’on puisse tenter l’aventure, ce que j’ai fait. Pendant 17 ans, j’ai développé une société appelée NBS System à l’époque. Consultant sécurité, puis expert sécurité, puis directeur technique, directeur commercial et enfin marketing, j’ai occupé un peu tous les postes (sauf RH et finance).
L’entreprise elle-même a beaucoup évolué, on a tenté des choses un peu folle, on a eu de la chance et des revers incroyables. Le 11 septembre a failli nous couler car nous avions investi toutes nos maigres réserves dans le développement d’un produit d’analyse des marchés financiers, qui ont été plombé durablement. Puis le virage ecommerce nous a propulsé, et celui de l’hébergement de haute sécurité à nouveau.
Un rachat en 2016, non voulu, tourne mal, puis je prends un peu de recul, fais du consulting et revient aux affaires en décembre 2019, année où j’ai créé CrowdSec, qui est en pleine forme, vient de clôturer une deuxième levée de fonds et se développe rapidement à l’internationale. L’expérience durement, parfois douloureusement acquise paye pleinement et c’est un vrai plaisir, à nouveau, que de développer une activité.
Au cours de ma carrière, j’ai également investi dans 10 startups, était au board de certaines d’entre elles et continu à être actif dans ce milieu des BA.
Depuis quand êtes-vous entrepreneur ?
1999. à la sortie de l’Epita. J’ai toujours été entrepreneur (17 ans la première fois), 2 ans en tant que freelance et de nouveau dans cette nouvelle aventure.
0 jour de chômage durant ma vie active.
Quelles difficultés avez-vous rencontré dans cette aventure ?
L’entrepreneuriat a des impacts physiques très peu évoqués, c’est une aventure qui laisse des stigmates, essentiellement liés au stress mais aussi au sédentarisme (lorsque l’on travaille dans un milieu de services).
Je pense que la partie la plus dure a été de vendre ma précédente entreprise, alors que je ne le souhaitais pas et que je voulais poursuivre une croissance plus agressive. Mes associés avaient la majorité des voix et ont forcé cette mise en vente, le rachat s’est très mal passé et tout cela a fini au tribunal. Même si j’ai gagné mon procès, je n’ai même pas été payé d’une partie sensible de ce qui m’était dû.
Et pour agrémenter le tout, l’acheteur, au-delà de ses arguments fallacieux qui ont été écartés par le juge, a fait appel et prolongé cette situation. Durant ce procès, j’ai pu voir que ce que l’on écrit dans les statuts, les pactes, les contrats, pèse en réalité bien peu. Ne pas respecter un certain nombre de ses obligations n’a eu pour ainsi dire aucune répercussion. La société a perdu beaucoup de clients et de poids dans son marché, la plupart de mes anciens collègues sont partis, la réputation a disparu et tout ce que j’avais construit en 17 ans avec.
D’après vous quels sont les facteurs clés de succès pour réussir dans l’entrepreneuriat ?
Avoir de bons associés. On n’est pas bon en tout et même si c’était le cas, la solitude de l’entrepreneur seul au sommet est terrible et démotivante. On est tellement plus forts, complémentaires et résilients à plusieurs. Il faut aussi avoir un réseau, que l’on construit, un sillon professionnel relativement cohérent pour gagner en crédibilité et attirer capitaux et talents. La persévérance et un but pour la motiver me semble aussi des atouts simples mais importants. En recommençant une entreprise, je me suis fixé un but et une limite. Et puis … de la chance. Ma mère disait que le manque de chance est une faute professionnelle et je pense qu’elle avait raison. Cela peut paraître injuste mais il faut aussi de la chance pour réussir.
Quel mode de financement avez-vous retenu pour lancer votre société ?
Les fondateurs ont mis de l’argent, une somme crédible par rapport à leur patrimoine. Puis les BA nous ont accompagnés. Des amis, des collègues, des anciens clients, des membres de la famille des fondateurs, 17 en tout, regroupés dans un « SPV », une holding qui a pris des parts dans le capital de CrowdSec.
Puis un VC, un fond avec qui on a bien accroché, à qui l’ont fait confiance et qui nous épaule en Seed. L’état nous a aussi attribué une bourse dans le cadre d’un des programmes commun de l’ANSSI et de la BPI. Nous bénéficions aussi du statut de JEI et du crédit impôt-recherche. Donc du dilutif et du non-dilutif.
Pour le moment, les banques sont toujours aussi limitées sur l’accompagnement en début de parcours, mais prêtent autant que vous voulez quand vous êtes rentables et que vous n’avez plus besoin d’elles…
S’il n’y en avait qu’un, quel serait le point d’attention à surveiller en priorité lorsqu’on se lance dans l’aventure startup ?
Choisir les bons actionnaires, aux bons postes et avec une core-team qui tienne la route et soit fidèle.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait lancer sa propre startup ?
Le succès ça se planifie, ça s’étudie, ça se construit, le reste c’est de la chance. Elle est importante mais il faut lui laisser le moins de poids possible car en cas de revers, le bateau sera plus solide. Étudier un plan solide, sous toutes les coutures, avec des variables et des inconnues, mais savoir où elles se trouvent.
Viser à long terme pour ce qui est clef, investissez à long terme, ne faites pas « à la va vite » pour refaire 10 fois. Prenez le temps de poser des bases qui dureront des années pour ce qui est important et faites dans le jetable pour le reste. C’est comme une cave de vins. Prenez des bouteilles de garde au fur et à mesure que vous allez en consommer, cela vous reviendra moins cher. Et prenez des vins plaisirs, plus simples, sans calcul ou arrière-pensée. Mixez le temps court et le temps long.
Exprimez-vous clairement. Un projet peut être simple ou complexe mais il doit pouvoir être compris rapidement par un tiers. Convaincre c’est donner le moyen à l’autre de comprendre ce qu’il va voir sur le prochain slide avant même de lui montrer. L’amener dans votre logique et lui donner les gages de réassurance nécessaire. Une entreprise peut-être hyper ambitieuse en partant de rien. Si son projet et son équipe tiennent la route, il sera soutenu.
Répétez, faites des dry runs, entraînez- vous, mâchez votre discours 20 fois, ajustez vos slides 50 fois. Ça doit être … Évident. Vos interlocuteurs doivent prendre un TGV dans les gencives. Humble mais implacable, sobre mais puissant.
Intéressez-vous à l’économie, globalement, pour en comprendre les rouages, les modèles, les momentums et vous placer correctement, au bon endroit et au bon moment. Apprenez, tous les jours, soyez passionné, la connaissance et l’auto-formation sont les meilleurs investissements à long-terme. Ayez un vrai savoir-faire personnel, que vous tenez toujours au top de ce qui se fait.
Trouvez-vous des mentors si c’est votre première boite, cela vous évitera tellement de déboires. Il n’y aura très probablement que 3 décisions qui changeront tout pour votre entreprise. En regard, 10% du capitale ne feront une différence que si la boîte vaut quelque chose un jour. En ajustant ces deux paramètres, vous commencerez à faire des arbitrages plus long terme.
Quand on comprend sa valeur ajoutée, on place beaucoup mieux ses efforts. Faites la différence, quelque chose d’utile ou de significatif, que vous êtes le mieux placé pour faire pour votre société, au moins une fois par jour. Estimez-vous alors heureux et considérez le reste comme du bonus. Vous ferez les autres tâches moins clef plus facilement et certains jours vous volerez de succès en succès.
Jouez entre les tâches longues et les tâches courtes pour ne pas pénaliser ni les unes, ni les autres. Le jour où vous arrêtez de faire avancer les longues, vous avez perdu. Quand vous n’y êtes pas, allez faire autre chose. On peut produire plus en 3h dans de bonnes conditions mentales qu’en 3 jours, alors soyez le plus souvent possible dans une bonne condition mentale.
Du coup, apprenez la méditation MBSR. Prenez de la distance. Laissez ce qui vous touche couler sur vous.
Enfin, faites du sport. Le cerveau n’est rien sans le corps et le corps va trinquer. Regardez tous les entrepreneurs de premiers rangs, ils font tous du sport, souvent plus par nécessité que par choix.
N’oubliez jamais que c’est un job, pour gagner de l’argent, pour … vivre.
Alors vivez aussi pendant cette aventure, prenez-y du plaisir.
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